un monastère de Koyasan, le 1er octobre 2017
La cérémonie commence à six heures. J’ai juste pris le temps d’enfiler un jean et un t-shirt avant de traîner mon corps encore endormi à travers tout le monastère, de ma chambre jusqu’au temple. Tout le monde, pieds nus, s’assied par terre, en tailleur ou sur les genoux, et fait face au cœur du temple. A l’entrée, servie par un moine, une pincée d’encens frottée entre les mains sert à se purifier.
Les moines s’installent enfin à l’intérieur du cœur. Ils sont quatre, peut-être cinq, et je les distingue à peine derrière les panneaux sculptés de bois sombre. Toute la cérémonie est éclairée à la bougie, et l’encens, qui brûle, se répand petit à petit partout. J’entends vibrer les voix des moines, chacun à son ton. Ils entament les mantras, récités en polyphonie. L’un d’eux ponctue la lecture d’un coup de baguette en bois sur un grand gong en bronze qui résonne quelque temps, en suspens. Un autre bat le tempo de courtes virgules, au son d’un triangle immédiatement assourdi.
Les pèlerins se lèvent tour à tour, sorte de ronde de piété. Nombreux sont ceux vêtus d’un simple yukata. Ils vont jusqu’à l’autel, mains jointes, puis s’inclinent. Ils ajoutent trois pincées d’encens sur le brûloir, puis de nouveau s’inclinent. Et ils retournent s’asseoir.
Désormais, l’odeur d’encens est envahissante, elle pénètre mes narines jusqu’à embrumer mon esprit. Le chant, lourd, qui jamais ne s’est interrompu, rend l’ambiance très méditative, un peu mystique. Les étrangers, qui comme moi, assistent à ce rituel, sont enfin immobiles et silencieux. Les japonais les plus pieux ont sorti leur bracelet nenju qu’ils tiennent autour de la paume, pour les aider à se concentrer. Seuls les oiseaux osent se mêler à la litanie des mantras.
Le moine le plus âgé, le plus sage donc, prend finalement la parole, faisant taire chants et percussions. Il sermonne probablement, mais je ne comprends pas. Mes pensées s’évadent, et je ne ressens plus la douleur dans mes genoux, ni dans mes jambes. La suite disparaît, jusqu’à ce qu’un moine ouvre les cloisons de bois derrière nous, découvrant un petit jardin japonais. Les pèlerins se lèvent, certains vont parler aux moines, d’autres, comme moi, laissent leur âme voyager un instant sur les galets ratissés, avant qu’elle ne s’élève doucement en suivant le tronc courbe d’un arbre, jusqu’au sifflement d’un oiseau qui s’envole.
Il est l’heure de retourner dans ma chambre, déguster mon petit déjeuner traditionnel, assis par terre sur le tatami. Cette journée sera sans doute spirituelle : la prochaine visite sera la cimetière du Mont Koya.